Emploi des personnes en situation de handicap dans les administrations publiques.
Mise en contexte
Le Conseil a été sollicité par le cabinet du Ministre Coppieters, afin de remettre des recommandations pour l'intégration professionnelle des travailleurs handicapés dans les administrations publiques, en suite de l’état des lieux au 31 décembre 2023 de l’emploi des travailleurs handicapés dans les provinces, les communes, les centres publics d’action sociale et les associations de services publics.
L’arrêté du Gouvernement wallon du 7 février 2013 relatif à l'emploi de travailleurs handicapés dans les provinces, les communes, les centres publics d'action sociale et les associations de services publics, impose aux administrations publiques wallonnes certaines obligations d’emploi de personnes en situation de handicap.
Afin de vérifier le respect de leurs obligations par les administrations publiques wallonnes, l’AVIQ est chargée d’établir, toutes les deux années, un état des lieux de l’emploi des personnes en situation de handicap dans ces administrations. Le dernier état des lieux concerne la situation au 31 décembre 2023.
L’état des lieux classe les administrations publiques wallonnes en quatre catégories : les provinces, les communes, les CPAS et les associations de services publics.
Pour chaque catégorie, l’état des lieux indique nommément la position de chaque administration publique, selon les critères suivants :
- N’a pas répondu à l’enquête ;
- N’est pas concernée par l’obligation ;
- Ne respecte pas ses obligations ;
- Respecte ses obligations.
Les chiffres précis de l’emploi des personnes en situation de handicap sont fournis pour toutes les administrations publiques qui respectent leurs obligations, pour celles qui ne respectent pas leurs obligations, et pour celles qui, sans y être obligées, emploient des personnes en situation de handicap.
L’analyse de ces chiffres démontre une progression constante de l’emploi des personnes en situation de handicap par comparaison avec les états des lieux antérieurs.
L’état des lieux montre également une augmentation du nombre d’administrations publiques wallonnes qui n’ont pas répondu à l’enquête. Cette augmentation est attribuée au fait que l’enquête a été réalisée exclusivement par voie électronique sur l’adresse générique des administrations concernées.
Pour mesurer le respect de leurs obligations, les administrations publiques wallonnes ont la possibilité de valoriser les marchés publics conclus avec des entreprises de travail adapté (ETA). L’état des lieux indique le montant annuel moyen des marchés confiés à des ETA pour les administrations publiques wallonnes qui souhaitent valoriser ces marchés.
Le Conseil est sollicité par le cabinet après établissement de l’état des lieux au 31 décembre 2023, afin qu’il puisse transmettre ses préoccupations et recommandations pour améliorer l’intégration professionnelle des personnes en situation de handicap dans les administrations publiques wallonnes.
Recommandations
- Préambule
Le Conseil a pris connaissance avec attention de l’état des lieux au 31 décembre 2023 de l’emploi des personnes en situation de handicap dans les administrations publiques wallonnes.
Le Conseil tient à féliciter les membres du personnel de l’AVIQ pour la clarté de cet état des lieux et l’exhaustivité des données fournies. Un tel état des lieux est un outil important et nécessaire pour mesurer le degré de respect des obligations d’intégration professionnelles des personnes en situation de handicap.
Le Conseil est heureux de constater l’augmentation permanente du nombre de personnes en situation de handicap employée dans les administrations publiques wallonnes, mais regrette qu’un nombre trop grand d’administrations ne s’inscrivent toujours pas dans cette dynamique, 10 ans après l’adoption des obligations d’emploi par le Gouvernement.
Le Conseil souhaite émettre son avis en tenant compte des différentes situations relevées dans le rapport, car ces situations appellent des réponses différentes. Il envisagera dans un second temps des recommandations plus transversales, applicables à l’ensemble des situations évoquées.
Bien que le terme « intégration professionnelle » figure dans l’arrêté du Gouvernement wallon du 7 février 2013 susmentionné, le Conseil préfère utiliser dans la suite de cet avis les termes « inclusion professionnelle ».
- Administrations qui satisfont à leurs obligations
Le Conseil est heureux de constater que la très grande majorité des administrations publiques wallonne satisfait aux obligations d’inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap.
Les chiffres démontrent toutefois une grande disparité dans la mise en œuvre de ces obligations, ce qui semble traduire des divergences profondes dans la volonté politique de réellement inclure professionnellement les personnes en situation de handicap.
Certaines administrations ont développé une réelle culture d’inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap. Ces administrations emploient un nombre de personnes en situation de handicap nettement supérieur à leurs obligations. Le Conseil tient particulièrement à féliciter ces administrations pour leur investissement en faveur des personnes en situation de handicap.
Malheureusement, les chiffres démontrent également qu’un nombre important d’administrations se limitent à atteindre leurs obligations, sans aller au-delà.
Il serait intéressant d’examiner en détail la manière dont certaines administrations ont développé une réelle culture d’inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap, et d’avoir des retours sur la perception de cette culture par les personnes concernées et par leurs collègues valides. Ces expériences positives devraient être mises en avant, et communiquées aux autres administrations afin qu’elles développent à leur tour cette culture. Il est indispensable de démontrer par des expériences concrètes qu’employer une personne en situation de handicap n’est pas un fardeau pour une administration, mais au contraire un atout.
- Administrations qui ne satisfont pas à leurs obligations
Le Conseil regrette qu’un nombre trop important d’administrations reste dans le non-respect des obligations d’inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap.
Le Conseil s’interroge sur les raisons qui amènent une administration à ne pas respecter ses obligations. Un dialogue constructif devrait être mené avec chacune de ces administrations afin de comprendre la situation.
Le Conseil estime également important de valoriser auprès de ces administrations défaillantes les expériences positives des administrations ayant développé une réelle culture d’inclusion professionnel des personnes en situation de handicap.
Le Conseil insiste donc sur la mise en place de démarches concrètes et ciblées pour amener ces administrations défaillantes à respecter leurs obligations.
- Administrations non tenues par l’obligation
Le Conseil prend acte du fait que certaines administrations ne sont pas tenues par les obligations d’inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap.
Le Conseil est heureux de constater que, malgré cette absence d’obligation, certaines de ces administrations recourent néanmoins à l’emploi de personnes en situation de handicap. Certaines ont même développé une réelle culture d’entreprise en ce sens.
A nouveau, il serait plus qu’intéressant de valoriser ces expériences, notamment auprès des administrations défaillantes, pour démontrer que l’emploi de personnes en situation de handicap est un atout, et non une charge.
- Administrations n’ayant pas répondu
Le Conseil regrette que certaines administrations n’aient pas pris la peine de répondre à l’enquête. Il est préoccupé par le fait que le nombre d’administrations n’ayant pas répondu est en augmentation.
Il est important d’identifier la cause de cette absence de réponse. S’agit-il d’un oubli, d’un manque d’intérêt, d’une volonté de ne pas avouer le non-respect des obligations ?
Le Conseil estime qu’une action volontariste doit être menée auprès de ces administrations et de leur dirigeant (bourgmestre, président du CPAS, président de l’organe d’administration, etc…) afin d’obtenir des réponses. Le cas échéant, des sanctions devraient être prévues et appliquées à l’encontre des récalcitrants.
- Recours aux ETA
La réglementation permet aux administrations de valoriser le recours à des marchés publics attribués à des ETA pour justifier de leur respect des obligations d’inclusion des personnes en situation de handicap.
Le Conseil tient à rappeler son attachement aux ETA, qui fournissent du travail à nombre de personnes en situation de handicap. Dans cette optique, la possibilité légale de réserver un marché public aux ETA doit être encouragée. Le Conseil estime dès lors qu’il serait souhaitable de fixer aux administrations des objectifs d’attribution de marchés à des ETA, dans le respect des dispositions européennes et fédérales.
Cependant, l’attribution d’un marché à une ETA ne peut se faire au détriment de l’inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap au sein même des administrations. Le Conseil estime qu’il faut donc mettre un terme à la possibilité de valoriser les attributions de marché à des ETA pour justifier le respect des obligations d’inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap, et d’imposer des objectifs séparés d’attribution de marchés à des ETA.
- Définition du handicap
Le Conseil constate que la définition de la personne en situation de handicap, telle que contenue dans l’arrêté du Gouvernement wallon du 7 février 2013 peut aboutir à une mauvaise appréciation de l’emploi des personnes en situation de handicap.
En effet, cette définition peut aboutir à ce qu’une personne en situation de handicap ne soit pas reprise dans les statistiques. Tel est le cas de la personne en situation de handicap qui n’a pas demandé d’aide spécifique, qui n’a pas bénéficié d’une reconnaissance d’incapacité de plus de 30%, qui n’a pas été déclarée inapte pour la fonction qu’elle exerce et qui n’a pas eu besoin de demander un aménagement raisonnable de son poste de travail.
A l’inverse, une personne qui n’est pas en situation de handicap pourrait être intégrée dans les statistiques. Ainsi, une femme enceinte serait considérée comme en situation de handicap parce que la médecine du travail, dans le cadre de la protection de la maternité, l’aurait reconnue incapable d’exercer une fonction, mais capable d’exercer une autre fonction. Le Conseil pense également aux cas où une inaptitude découle principalement de difficultés relationnelles ou organisationnelles au sein de l'environnement professionnel, par exemple, résultant de tensions avec un manager ou des collègues, ce qui engendre une problématique de santé. On peut aussi évoquer des situations où un problème de santé spécifique se manifeste uniquement dans certains contextes professionnels, comme le stress excessif lié à la nature propre d’une mission donnée. Ces situations méritent évidemment une attention particulière sur le plan de la santé publique et de l’insertion professionnelle au sens large, mais elles n’entrent pas dans le cadre spécifique de l’inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap.
Il convient donc de revoir la définition de la personne en situation de handicap, afin qu’elle englobe l’intégralité des travailleurs en situation de handicap, à l’exclusion de toutes autres personnes.
Le Conseil tient également à souligner que les situations de handicap sont multiples, et qu’il faut veiller à l’inclusion professionnelle de toutes les personnes en situation de handicap, quel que soit le handicap. Le Conseil souhaite dès lors que les données récoltées auprès des administrations publiques wallonnes portent également sur la nature du handicap des personnes employées. L’objectif de cette récolte est de pouvoir vérifier qu’il n’existe aucune discrimination en fonction du type de handicap. Le cas échéant, des actions spécifiques devraient être menées si une telle discrimination venait à être constatée.
- Calcul de l’obligation d’emploi
Actuellement, l’obligation d’emploi dans les administrations publiques wallonnes s’élève à 2,5% des effectifs au 31 décembre de l’année qui précède.
A l’occasion du colloque « Autonomie et déficience mentale : comment favoriser l’inclusion ? », organisé au Sénat le 21 mars 2025, le Ministre Coppieters a communiqué sa volonté de porter l’objectif d’emploi dans la fonction publique wallonne à 5%. Le Conseil accueille favorablement cet objectif et demande qu’il soit concrétisé pour l’ensemble des administrations publiques wallonnes.
Le Conseil constate également qu’actuellement, il n’est pas tenu compte, pour déterminer les effectifs d’une administration, du personnel médical, du personnel soignant, du personnel des services d’incendie, et du personnel engagé sur la base de l'article 60, § 7, de la loi du 8 juillet 1976 organique des Centres publics d'action sociale. Le Conseil ne comprend pas ces exclusions dans le calcul des effectifs, puisqu’aucune disposition n’interdit à une personne en situation de handicap d’exercer ces fonctions. Une telle interdiction constituerait d’ailleurs une discrimination intolérable.
- Formation des personnes en situation de handicap
Le Conseil tient à insister sur un élément important pour l’emploi des personnes en situation de handicap : la formation. Une bonne formation permet d’accéder à un emploi de qualité.
Cette formation doit tout d’abord être apportée par l’enseignement, qu’il s’agisse de l’enseignement maternel, primaire, secondaire ou supérieur (universitaire et non universitaire). Même si cela excède les compétences régionales, le Conseil veut insister sur la nécessité d’un enseignement adapté et inclusif pour les enfants et jeunes en situation de handicap, ayant pour objectif de les former à l’exercice d’une activité professionnelle.
L’exigence d’une bonne formation vise également la formation professionnelle pour adultes, et la formation continue. Il est indispensable que ces formations soient pleinement accessibles et permettent à toute personne en situation de handicap, quel que soit son handicap, d’obtenir un emploi de qualité, et de progresser dans sa carrière professionnelle.
Enfin, l’exigence d’une accessibilité pleine et entière doit aussi concerner toutes les formations préparatoires à des examens de promotion. Un handicap ne peut jamais être un frein ou un obstacle à l’obtention d’une promotion.
- Emploi dans le secteur privé
Le Conseil constate que les obligations d’inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap imposées aux administrations ont globalement un effet positif sur l’emploi des personnes en situation de handicap, même si des améliorations doivent encore être apportées.
Au vu de cette expérience positive, le Conseil estime souhaitable que ces obligations soient progressivement étendues aux entreprises privées.
A cet égard, le Conseil est heureux d’apprendre la constitution d’un groupe de travail chargé d’étudier les possibilités d’instaurer des obligations d’emploi de personnes en situation de handicap dans le secteur privé. Le Conseil souhaite être davantage informé sur la composition de ce groupe de travail, et les objectifs qui lui ont été assignés.
- Situation des aidants-proches
Bien que cela ne concerne pas directement l’emploi des personnes en situation de handicap dans les administrations publiques wallonnes, le Conseil souhaite également attirer l’attention sur les aidants-proches.
Les aidants-proches ne sont pas eux-mêmes en situation de handicap, mais assistent au quotidien une personne en situation de handicap. Malheureusement, assister une personne en situation de handicap n’est pas toujours compatible avec l’exercice d’une fonction salariée.
Il est indispensable de prévoir des aménagements raisonnables, notamment en termes d’horaires de travail, afin de permettre à un aidant-proche d’obtenir et de conserver un emploi. L’assistance d’un aidant-proche est souvent indispensable pour permettre à la personne en situation de handicap de vivre en autonomie chez elle, et d’intégrer la vie sociale.
- Conclusion
Le Conseil constate avec satisfaction que la grande majorité des administrations publiques respectent les obligations d’inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap, et que plusieurs d’entre elles ont développé une réelle culture d’inclusion.
Le Conseil souhaite la valorisation de ces expériences positives auprès de toutes les administrations qui n’ont pas encore adopté une telle culture.
Le Conseil souhaite également une action volontariste et concrète auprès des administrations défaillantes.
Enfin, le Conseil se montre favorable à une extension au secteur privé des obligations d’inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap.