Transposition en droit belge de la directive européenne 2024/2841 relative à l’introduction de la carte européenne pour les personnes en situation de handicap et de la carte européenne de stationnement pour les personnes en situation de handicap.
Mise en Contexte
Le Conseil consultatif wallon des personnes en situation de handicap est consulté par le Gouvernement fédéral sur ses recommandations pour la transposition en droit belge de la directive européenne n° 2024/2841.
Les autres Conseils consultatifs des personnes en situation de handicap étant également consultés, le Conseil estime qu’il convient de remettre un avis commun par l’intermédiaire de la plate-forme des Conseils. Le présent avis est destiné à alimenter le contenu de l’avis commun ; il sera également communiqué pour information au Ministre régional COPPIETERS, compétent au niveau régional pour la matière du handicap.
La directive 2024/2841 impose à l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne une carte EDC et une carte européenne de stationnement pour les personnes en situation de handicap. Elle succède à une expérience-pilote menée dans certains Etats membres, dont la Belgique. La mise en oeuvre de la directive impose le remplacement des cartes EDC distribuées dans le cadre de l’expérience-pilote, étant donné qu’une nouvelle forme est prévue pour cette carte EDC.
La carte EDC (European Disability Card ou carte européenne du handicap) vise à permettre aux personnes en situation de handicap de circuler librement dans l’Union européenne en bénéficiant, dans chaque Etat membre, d’une reconnaissance de sa situation de handicap, et des mêmes avantages que les résidents de cet Etat membre en situation de handicap.
La carte européenne de stationnement (en abrégé CES) vise à permettre aux personnes en situation de handicap de circuler librement dans l’Union européenne en bénéficiant, dans chaque Etat membre, d’une reconnaissance de sa situation de handicap, et des mêmes avantages de stationnement que les nationaux de cet Etat membre en situation de handicap.
Le modèle de la carte EDC et le modèle de la carte CES sont déterminés par la directive ; ils sont donc uniques pour l’ensemble des Etats membres, afin de faciliter leur reconnaissance dans toute l’Union européenne.
La carte EDC existera en format physique et en format numérique, tandis que la carte CES existera en format physique.
La directive 2024/2841 est un acte européen qui ne s’applique pas directement dans les Etats membres, mais qui nécessite une transposition par un législateur national. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement fédéral doit procéder à la transposition de cette directive, et consulte les différents Conseils consultatifs des personnes en situation de handicap en vue de récolter leurs avis.
Avis
PHILOSOPHIE GÉNÉRALE DU PROJET
Les personnes en situation de handicap sont régulièrement confrontées, lors de leurs déplacements à l’étranger, à la difficulté de faire reconnaître leur situation de handicap. Nombre de prestataires accordent des avantages aux personnes en situation de handicap, mais exigent, surtout lorsque le handicap est invisible, une pièce justificative. Les documents belges ne sont généralement pas pris en considération, car ils ne reposent pas sur la même législation que les documents nationaux.
La carte EDC représente une avancée considérable, car elle permettra aux personnes en situation de handicap de se déplacer dans l’ensemble de l’Union européenne avec la possibilité de faire reconnaître sans difficulté leur situation de handicap. Il ne devrait donc plus y avoir de discrimination entre les personnes en situation de handicap sur la base de l’Etat de résidence.
De même, la carte belge de stationnement pour personnes en situation de handicap n’est généralement pas reconnue à l’étranger. Il en résulte que le résidant belge en situation de handicap ne peut pas, lors de ses déplacements à l’étranger, utiliser les places réservées aux personnes en situation de handicap. La carte CES devrait désormais lui permettre d’utiliser les places de stationnement réservées dans toute l’Union européenne.
Le Conseil approuve donc sans réserve l’instauration de la carte EDC et de la carte CES par la directive 2024/2841, car ces cartes représentent un avantage considérable pour la personne en situation de handicap en déplacement au sein de l’Union européenne.
Le Conseil espère que les Etats membres agiront rapidement pour transposer cette directive dans leur droit national, afin de permettre aux personnes en situation de handicap de bénéficier pleinement de la liberté de circulation dans l’Union européenne.
PERSONNES BÉNÉFICIAIRES DE LA CARTE EDC
La directive 2024/2841 confie aux Etats membres le soin de déterminer les personnes qui ont droit à une carte EDC.
Dans le cadre du projet-pilote, la carte EDC a été attribuée à toute personne reconnue comme étant en situation de handicap par l’Etat fédéral ou une autorité fédérée (dont l’AVIQ pour la Région wallonne).
Le Conseil est d’avis que toute personne en situation de handicap a droit à la carte EDC. Etablir des catégorisations entre les personnes en situation de handicap pour réserver la carte EDC à certaines d’entre elles reviendrait à créer des discriminations intolérables entre les personnes en situation de handicap. Le Conseil refuse toutes restrictions à l’octroi de la carte EDC fondées sur la nature du handicap, le caractère invalidant du handicap ou tout autre critère. Le seul fait d’être en situation de handicap doit entraîner l’octroi de la carte EDC.
Le Conseil est d’avis que la carte EDC doit être délivrée automatiquement à la personne qui bénéficie d’une reconnaissance de son handicap par l’Etat fédéral ou une entité fédérée. Ce mécanisme, prévu dans le projet-pilote, doit être maintenu, mais il n’est pas suffisant. Il faut en effet l’accompagner d’une possibilité de demander l’obtention de la carte EDC dès lors qu’elle n’est pas délivrée automatiquement, afin que toute personne en situation de handicap puisse bénéficier de cette carte. La procédure à mettre en oeuvre doit être extrêmement courte et facile, afin de ne pas constituer un obstacle à l’obtention de la carte EDC.
PERSONNES QUI DEVRAIENT BÉNÉFICIER DE LA CARTE EDC SANS EN BÉNÉFICIER ACTUELLEMENT
Dans le cadre du projet-pilote, la carte EDC a été délivrée sur base d’une reconnaissance par l’Etat fédéral ou une autorité fédérée. Or, ces reconnaissances sont liées à l’octroi d’avantages (allocation, aide matérielle, etc…), ce qui signifie que le seul moyen de faire reconnaître sa situation de handicap est de demander un avantage.
Or, les personnes en situation de handicap n’ont pas systématiquement besoin d’un avantage octroyé par l’Etat fédéral ou une autorité fédérée, notamment parce qu’elles bénéficient d’une autre aide. Tel est le cas des personnes pour lesquelles le handicap est survenu à l’occasion d’un accident du travail ; l’aide est en ce cas apportée par l’assurance « accidents de travail » de l’employeur. Pour le Conseil, un handicap est un handicap, peu importe que l’aide provienne de l’Etat fédéral, de l’AVIQ ou d’une assurance privée, la carte EDC doit en toutes circonstances être attribuée.
D’autres personnes en situation de handicap ne vont pas demander une aide fédérale ou régionale, parce qu’elles ne remplissent pas toutes les conditions pour obtenir cette aide. Chaque aide obéit à des critères particuliers pour être octroyée. Dès lors, ce n’est pas parce que la personne ne remplit pas ces conditions qu’elle n’est pas en situation de handicap. En d’autres termes, une personne peut être en situation de handicap sans nécessairement remplir les conditions pour obtenir une aide. Refuser à ces personnes l’octroi de la carte EDC reviendrait à les discriminer malgré la réalité de leur handicap.
Enfin, des personnes en situation de handicap ne demandent aucune aide parce qu’elles n’en ont pas besoin. Ainsi, une personne âgée qui se retrouve avec une déficience intellectuelle n’a pas besoin de demander une allocation, puisqu’elle perçoit sa pension, et n’a pas besoin d’une aide extérieure si elle est bien entourée par sa famille.
Il existe donc un nombre important de personnes en situation de handicap qui n’ont pas été prises en considération dans le cadre du projet pilote.
UTILISATION ABUSIVE DE LA CARTE EDC
Le Conseil n’a pas connaissance d’une utilisation abusive de la carte EDC par des personnes qui n’y auraient pas droit.
Par contre, il existe des utilisations abusives de la carte CES. Il y a tout d’abord l’utilisation de cette carte par un proche de la personne en situation de handicap, alors que la personne en situation de handicap n’est pas elle-même dans le véhicule. Il y a ensuite l’utilisation d’une carte appartenant à une personne en situation de handicap décédée.
Le Conseil ne voit pas de réelle solution à cette problématique. La ville d’Anvers, suivie par certaines autres villes et communes, envisage une base de données informatique dans laquelle la personne en situation de handicap encoderait la plaque d’immatriculation du véhicule de manière permanente ou avant son déplacement. Une telle base de données ne tient pas compte de la fracture numérique qui touche nombre de personnes en situation de handicap. Il faut également tenir compte du fait que les personnes en situation de handicap peuvent aussi faire appel à un service de transports individuels (taxi, Uber, etc…) pour se déplacer ; en ce cas, elles n’ont connaissance de la plaque d’immatriculation du véhicule qu’au moment d’embarquer dans celui-ci. L’initiative d’une base de données électronique n’apporte en outre aucune solution à une utilisation abusive de la carte CES, puisqu’il est possible d’encoder temporairement une plaque d’immatriculation dans le système.
LA LETTRE A
La lettre A peut être inscrite sur la carte EDC, au choix de chaque Etat membre. Cette lettre, si elle est inscrite permet à la personne en situation de handicap de disposer d’un accompagnant reconnu, ou d’un animal d’assistance reconnu. Il convient de souligner que la lettre A n’est pas assortie du nom d’un accompagnant ; cet accompagnant peut varier d’un déplacement à l’autre. Cet accompagnant peut lui aussi bénéficier de certains avantages lorsqu’il accompagne la personne en situation de handicap.
Le Conseil estime que c’est à la personne en situation de handicap elle-même de déterminer si elle a ou non besoin d’un accompagnement ou d’un animal d’assistance. Il lui apparaît dès lors qu’il serait abusif et discriminatoire de déterminer que telle personne aurait droit à la lettre A tandis que telle autre n’y aurait pas droit. Le Conseil se prononce clairement pour que la lettre A figure systématiquement sur toutes les cartes EDC.
En outre, il convient de ne pas perdre de vue que le handicap est aussi une question de relation à l’environnement, et que cet environnement a un impact sur la nécessité ou non d’un accompagnant. A titre d’exemple, une personne en fauteuil roulant n’aura besoin d’aucune aide spécifique dans un lieu parfaitement accessible, mais aura besoin d’un accompagnant dès lors que l’accessibilité n’est pas parfaite.
Refuser le A en Belgique aux personnes en situation de handicap reviendrait en outre à créer une discrimination par rapport aux personnes en situation de handicap résidants d’un Etat membre ayant introduit la lettre A. En effet, en l’absence du A, l’accompagnant de la personne en situation de handicap belge en déplacement à l’étranger ne pourra bénéficier des avantages reconnus aux accompagnants par l’Etat visité.
Pour le Conseil, il ne peut y avoir aucune ambiguïté, la lettre A doit figurer systématiquement sur toutes les cartes EDC. Toute autre solution serait source de discrimination à l’encontre des personnes en situation de handicap.
Le Conseil tient également à souligner que la mention A ne peut être restrictive, en ce sens qu’elle obligerait la personne en situation de handicap à être en permanence avec son accompagnant.
MENTIONS AU VERSO DE LA CARTE EDC
Les Etats membres ont la possibilité d’indiquer des mentions au verso de la carte EDC. Ils déterminent librement ces mentions.
Le Conseil constate tout d’abord que ces mentions éventuelles seraient rédigées (en tout cas pour les personnes résidant en Wallonie) exclusivement en français. Ces mentions n’étant pas uniformes au niveau européen, le Conseil se pose la question de leur utilité pour des voyages à l’étranger, dès lors que la personne à qui la carte EDC est présentée, ne s’exprime pas en français. Ces mentions ne pourraient donc avoir une utilité que dans les pays francophones.
En ce qui concerne le contenu de ces mentions, le Conseil n’identifie pas une donnée qui devrait figurer sur la carte EDC et qui n’est pas prévue par la directive 2024/2841. Il considère dès lors qu’il faut laisser la personne en situation de handicap décider elle-même d’une éventuelle mention qu’elle voudrait inscrire au verso.
DURÉE DE VALIDITÉ ET MODALITÉ DE RENOUVELLEMENT DE LA CARTE EDC
Le Conseil estime que la durée actuelle de validité de 5 ans doit être conservée. Cette durée permet d’éviter un renouvellement trop fréquent de la carte EDC, et donc une charge administrative excessive pour les personnes en situation de handicap.
Au niveau des modalités, le Conseil estime que le renouvellement doit être automatique et sans frais. L’objectif est une simplification administrative maximale pour les personnes en situation de handicap. Le renouvellement doit également être gratuit.
Un renouvellement doit également être possible sur simple demande en cas de perte ou de vol de la carte EDC. Le Conseil souhaite que ce renouvellement sur demande soit également gratuit.
ACTIONS DE SENSIBILISATION SUR LA CARTE EDC
Le Conseil a constaté, lors du projet-pilote, que l’utilité de la carte EDC reste méconnue des personnes en situation de handicap, et que son existence reste méconnue de nombreux prestataires.
Il convient donc que l’attribution de la nouvelle carte EDC soit accompagnée d’une information claire et compréhensible auprès de chaque bénéficiaire de la carte.
Des actions spécifiques doivent être menées vers tous les prestataires susceptibles d’accorder des avantages aux personnes en situation de handicap, afin de leur faire connaître la carte EDC et de les inciter à prévoir des avantages spécifiques pour les titulaires de cette carte.
Enfin, une communication vers le grand public est indispensable pour décloisonner le handicap, et s’engager vers une société plus tolérante et inclusive.
Plus particulièrement, il est également nécessaire de sensibiliser les prestataires et le grand public sur l’existence des handicaps invisibles. Trop souvent, ces personnes sont prises à tort pour des fraudeurs ou des simulateurs, et le risque existe de voir leur carte EDC refusée au seul motif que le handicap n’est pas visible.
Enfin, il convient de poursuivre, en matière de circulation routière, les campagnes de sensibilisation pour que les places de stationnement réservées aux personnes en situation de handicap ne soient pas utilisées par d’autres personnes.
CONCLUSION
En conclusion, le Conseil approuve le projet de carte EDC et de carte CES. Il demande que toutes les personnes en situation de handicap puissent bénéficier de ces cartes, sans restriction aucune, et à ce que la lettre A figure sur toutes les cartes EDC sans exception.
Il insiste également sur la nécessité de mener des actions de sensibilisation afin d’assurer la visibilité et l’effectivité de la carte EDC et de la carte CES.
Jean-Marie HUET
Président