Avant-projet de décret du (…) modifiant le Code wallon de l’action sociale et de la santé en ce qui concerne les maisons d’hébergement collectif de personnes en difficultés prolongées
Mise en Contexte
Les structures d’hébergement non agréées (dénommées « SHNA »), souvent qualifiées de « maisons pirates », existent sur le territoire wallon depuis de nombreuses années. Depuis l’adoption du Décret du 29 mars 2018[1], cette dénomination a été remplacée par celle d’ « hébergement collectif pour personnes en difficultés prolongées ». Dans le cadre du présent avis, ces structures seront désignées par la notion de « structure d’hébergement collectif ».
Les structures d’hébergement collectif accueillent un public varié. Tant des personnes présentant un trouble psychique ou un handicap, voire les deux, ou qui se trouvent en situation de difficulté prolongée en raison d’une problématique sociale, de manière durable et impliquant une vie en communauté, peuvent y être hébergées. Cette pluralité de profils implique notamment que certains aspects dynamiques doivent être mis en avant à travers ce projet de décret, en vue de répondre aux différents besoins et attentes des résidents qui intègrent ce type de structure.
À la suite de la médiatisation relative à certains établissements et à la défaillance de plusieurs « maisons pirates » (disposant notamment de conditions de salubrité et d’encadrement insuffisantes voire dangereuses), un décret a été adopté sur initiative parlementaire afin d’organiser ces services. Le décret relatif à l’hébergement collectif pour personnes en difficultés prolongées date du 29 mars 2018 et est entré en vigueur le 10 mai 2018.
En application de ce nouveau dispositif décrétal, l’ensemble des structures d’hébergement non agréées dans le secteur du handicap, de la santé mentale ou bien de l’action sociale avaient l’obligation d’introduire une demande de reconnaissance et de respecter les normes minimales établies, conformément au décret précité.
Malgré l’évolution du cadre juridique, certaines structures n’ont cependant pas effectué la transition, entrainant ainsi l’apparition de nouvelles difficultés. Le présent projet de décret entend donc corriger ces manquements tout en garantissant une meilleure protection des résidents, sans que ces structures ne soient toutefois requalifiées comme des établissements de soins, compte tenu de leurs non-subventionnement.
Avis
Philosophie générale du projet
Le principe même de l’avant-projet de décret est salué par le Conseil, puisqu’il veut répondre à un dysfonctionnement connu de ces dispositifs d’hébergements collectifs. Les objectifs sont multiples : permettre à un plus grand nombre d’hébergements collectifs de se déclarer, mais également mettre en place une obligation de déclaration d’existence, afin de faciliter le dépôt de plainte en cas de problème. Il est couplé à la mise en place de sanctions en cas de dysfonctionnement. Il s’agit aussi de développer le rôle du bourgmestre, notamment dans le cas de la fermeture de ces structures, afin qu’il puisse coordonner les actions pour veiller à ce que les résidents soient accompagnés durant la transition.
Malgré ces avancées notables, le Conseil émet quelques réserves.
Tout d’abord, comme cela a été justement expliqué dans la note au Gouvernement, ces maisons d’hébergement collectif présentent généralement une offre par défaut, vers lesquelles les personnes en situation de difficulté prolongée se tournent dans différents cas de figures. C’est une conséquence à un nombre multiple d’obstacles à un accompagnement adapté (accessibilité, exigences d’entrées, liste d’attente…)
Le Conseil rappelle que les structures d’hébergement collectif ne doivent en aucun cas remplacer les structures agrées. Il n’y a pas le même encadrement qu’au sein des institutions. La notion de qualité est moindre, et la notion de soins et de contrôle est nettement moins appuyée au sein de ces hébergements collectifs.
Le Conseil réitère donc la demande d’une augmentation et du développement de l’offre des logements inclusifs et services d’appui adaptés. Il devient urgent de se positionner dans un cadre de vision plus large en la matière.
Accessibilité des logements
Le Conseil relève une absence totale de prise en compte de la notion d’accessibilité au sein du texte. Ce manque de normes applicables est problématique, en premier lieu pour les personnes en situation de handicap concernées. Il est donc demandé d’introduire une obligation claire d’accessibilité dans le texte.
Sanctions
En ce qui concerne la notion de sanction, le Conseil remarque qu’il y a une possibilité de suspension du mandat en cas de manquement majeur. Cela implique une interdiction d’accueillir de nouveaux résidents jusqu’à l’issue de la procédure de suspension.
Cependant, les résidents déjà présents au sein de ces hébergements collectifs suspendus demeurent au sein de ces structures, et ce malgré la constatation des manquements majeurs (qui remettent en cause la sécurité de la personne). Il est important de ne pas laisser ces personnes sans appui durant la procédure de suspension. C’est pourquoi le Conseil propose la mise en place d’une équipe mobile composées de directeurs, afin de reprendre provisoirement la main sur les institutions d’un point de vue financier mais surtout par rapport à la qualité des services.
Suppression de l’Article 288
Le Conseil s’interroge sur la suppression de l’article 288. Celui-ci prévoit pourtant un mécanisme d’autorisation pour toute personne qui prend en charge de manière habituelle, contre rémunération, une ou plusieurs personnes en situation de handicap n’appartenant pas à sa famille et qui ne bénéficie pas de reconnaissance pour cette activité.
L’article 288 ne prévoit pas de nombre minimal de personnes hébergées et concerne également les gestionnaires en personnes physiques, alors que les hébergements collectifs, sous statut de personne morale, concernent un accueil de minimum 8 personnes. Pourquoi supprimer cette disposition, qui vise d’autres situations que celle des structures d’hébergement collectif ? Le Conseil plaide pour le maintien de cet article 288.
Question de l’inspection de qualité
Ce texte a donc pour but de régler un certain nombre de problèmes connus. Cependant, le Conseil trouve qu’il passe également à côté d’une considération essentielle, qui est celle de l’inspection réalisée par l’AVIQ.
Cette considération ne concerne pas uniquement les maisons d’hébergements collectif, mais est néanmoins primordiale. Il est en effet parfois très difficile pour les résidents ou leurs familles d’exprimer des problèmes ou des manquements, et d’obtenir un retour des services de l’AVIQ. Ces difficultés sont également rencontrées dans le cadre des inspections réalisées au sein des structures agrées, dans lesquelles les audits qualité sont déjà peu nombreux. Le Conseil est donc inquiet sur la réalisation de ces audits dans le cadre des maisons d’hébergement collectif, non agrées.
Le Conseil rapporte qu’il y a peu de retour aux plaintes formulées à l’AVIQ. Ces plaintes sont souvent anonymes, ou relayées par des associations, car les personnes concernées craignent les représailles, notamment sous forme de renvois.
Il a été porté à l’attention du Conseil que des travaux et notes d’amélioration étaient en cours pour permettre l’amélioration de l’audit qualité. Il tenait néanmoins à appuyer cette nécessité en introduisant un retour systématique de l’audit vers la personne ou l’institution qui a initié la plainte, pour un meilleur suivi.
Conclusion
En conclusion, le Conseil n’est pas défavorable à ce projet, qui a le mérite de proposer des solutions concrètes à des problèmes connus.
Cependant, il tient à ce que certains points soient revus et pris en compte dans le texte final, notamment ce qui concerne la notion d’accessibilité des hébergements et de dispositions supplémentaires dans le cadre des sanctions.
Enfin, il demande le maintien de l’article 288 du Code wallon de l’Action sociale et de la santé.
[1] Décret du 29 mars 2018 insérant dans le Code wallon de l’Action sociale et de la Santé des dispositions relatives à l’hébergement collectif de personnes en difficultés prolongées, M.B., 30 avril 2018.