Avis d'initiative 0004

Publié le 27 mai 2025 à 13:45

Projet « Vie en autonomie », développé par les services d’aide aux familles et aux aînés, et financé par le Fonds social européen

 

Mise en Contexte

En sa séance du 22 avril 2025, le Conseil a assisté à une présentation du projet « Vie en autonomie ». Ce projet est porté par certains services d’aide aux familles et aux aînés (SAFA), et financé par le Fonds social européen (FSE).

Le projet est né de la constatation que les actions finançables des SAFA sur base de la réglementation actuelle ne permettent pas de satisfaire pleinement les demandes des bénéficiaires. Deux fédérations de SAFA (la FCSD et la FASD) ont élaboré un projet « Vie en autonomie » et obtenu des fonds européens, dans le cadre du FSE, pour la mise en œuvre de ce projet.

Le projet « Vie en autonomie » poursuit plusieurs objectifs, entre autres :

  • Répondre à des besoins primordiaux non couverts aujourd’hui ;
  • Favoriser l’épanouissement personnel des personnes en perte d’autonomie, dans et en dehors de leur milieu de vie ;
  • Permettre une meilleure qualité de vie et une participation à la vie sociale des personnes en perte d’autonomie ;
  • Valoriser et développer les activités et le rôle sociétal des métiers de l’aide à domicile.

A ce jour, le projet comprend notamment les actions suivantes :

Intervention en Maison de repos / Maison de repos et de soins

- Visites de maisons de repos avec des bénéficiaires qui ne peuvent rester à domicile

- Courses et aides dans différentes démarches

- Visite d’un bénéficiaire résidant isolé

- Accompagnement lors de sorties, balades, hors de l’établissement

- Accompagnement à des rendez-vous médicaux, à des visites dans la famille

 

Intervention en milieu hospitalier

- Apporter le nécessaire à une personne hospitalisée en urgence

- Courses et gestion du linge d’une personne hospitalisée

- Prise en charge de l’animal de compagnie pendant l’hospitalisation

- Aide dans les démarches administratives

- Aide et préparation du retour au domicile

 

Activités extérieures avec le bénéficiaire

- Accompagnement du bénéficiaire au cinéma, à un spectacle

- Accompagnement du bénéficiaire pour une visite familiale

- Accompagnement du bénéficiaire lors d’activités de groupe

- Accompagnement du bénéficiaire lors d’une excursion

- Accompagnement du bénéficiaire dans des démarches de réinsertion professionnelle ou scolaire

 

Actuellement, quatre SAFA participent au projet, et deux autres doivent les rejoindre. Ils bénéficient, pour la réalisation de ce projet, d’un financement accordé par le Fonds social européen (FSE). Ce financement est accordé pour les années 2024 et 2025 ; il pourrait être reconduit une fois pour deux nouvelles années.

Après avoir pris connaissance de ce projet, le Conseil souhaite émettre l’avis d’initiative suivant.

 

Avis

Philosophie générale du projet

Les SAFA s’occupent de divers publics, dont des personnes en situation de handicap. Le Conseil limite son avis à leur rôle envers les personnes en situation de handicap.

L’autonomie de ces dernières est essentielle pour le Conseil. Elles doivent, comme toute autre personne, avoir le droit de vivre dignement à leur domicile, seules ou en famille. Les SAFA jouent un rôle primordial pour le maintien à domicile des personnes en situation de handicap, car l’aide qu’apportent les aides familiales leur permet de conserver une réelle autonomie pour satisfaire leurs besoins fondamentaux. Telle est actuellement la mission légale des SAFA.

Le projet « Vie en autonomie » dépasse ce cadre légal, puisqu’il a pour objectif d’assurer aux bénéficiaires une vie culturelle et sociale professionnelle. Il s’agit là d’un droit fondamental garanti par l’article 23 de la Constitution. Un domicile, une vie culturelle, des relations sociales, un métier constituent des bases de la dignité humaine.

Le projet complète les missions actuelles des SAFA, en ajoutant à l’aide au maintien à domicile un accompagnement pour une vie culturelle et sociale. Il participe ainsi à la dignité et à l’autonomie des personnes en situation de handicap. Le Conseil approuve donc pleinement le projet « Vie en autonomie », et demande son intégration dans les missions légales des SAFA.

 

Etendue géographique du projet

Le Conseil constate que les SAFA qui participent au projet sont localisés à Mons, Namur, Liège et Verviers. Il regrette dès lors que le projet ne couvre pas l’ensemble de la Wallonie, et plus particulièrement qu’aucun SAFA du Brabant wallon et du Luxembourg n’y participent (en raison de l’absence de financement européen pour ces provinces). Le Conseil regrette également que la province du Hainaut ne soit pas totalement couverte, en raison de l’absence de candidature de SAFA pour participer au projet. Le Conseil souhaite dès lors encourager d’autres SAFA à rejoindre le projet, au bénéfice des personnes en situation de handicap de leur ressort.

L’intégration du projet dans les missions légales des SAFA devrait résoudre ce problème, et permettre une couverture intégrale du territoire wallon.

 

Problématique du transport

Le Conseil a remarqué un frein quant à l’exécution de certaines activités mises en place par ce projet, qui concerne les personnes en situation de handicap : le transport. Celui-ci dépend uniquement du véhicule personnel de l’aide familiale dans le cadre des activités extérieures avec le bénéficiaire (l’accompagner au cinéma, à un spectacle, à la mer, à une excursion…).

En effet, il n’est possible d’utiliser le service de transport encadré que pour véhiculer les bénéficiaires vers un hôpital. Or, les véhicules privés ne sont pas adaptés pour transporter certains types de chaises roulantes, par exemple, et il n’est évidemment pas légal d’obliger l’aide familiale à accepter de transporter des bénéficiaires, ni du matériel au sein de son véhicule personnel.

Il conviendrait donc de développer une offre adéquate de transport des personnes en situation de handicap, afin de permettre à toutes les personnes intéressées par ce projet d’y participer.

 

Horaire de travail des aides familiales

Le Conseil constate que les heures de travail des aides familiales peuvent s’étendre de 6h à 21h30.

Dans le cadre du projet, cette limitation des heures de travail est problématique et constitue une entrave à l’autonomie, l’épanouissement et la liberté de choix des personnes. Imposer des horaires stricts à la personne en situation de handicap à son domicile revient à l’institutionnaliser, ce qui est incompatible avec l’article 19 de la Convention ONU.

Le conseil est parfaitement conscient du fait que la charge de travail des aides familiales est importante et lourde. Il est hors de question pour lui d’allonger le temps de prestation journalier des aides familiales ; elles doivent pouvoir exercer leur tâches dans la dignité et dans le respect du bien-être au travail. Il souhaite néanmoins qu’une solution puisse être apportée à cette problématique, afin d’assurer aux personnes en situation de handicap une vie sociale, y compris en soirée.

Le Conseil tient aussi à rappeler à cet égard la remarque qu’il avait formulée dans son avis d’initiative n° 2 du 27 février 2024 : « le Conseil rappelle le besoin d’augmentation du quota d’heures effectuées le weekend, en soirée ainsi que les jours fériés pour les bénéficiaires. Cette demande rentre dans la lignée des revendications en faveur de la désinstitutionalisation et du choix de vie à domicile pour les personnes en perte d’autonomie. Cependant, pour y arriver, il faut également mener une réflexion sur le refinancement du secteur, pour permettre une augmentation du volume des prestations disponibles par un personnel qualifié. ». Cette remarque conserve toute son actualité.

En plus de cette remarque sur la disponibilité des prestations en soirée, un autre point a été soulevé : celui de permettre de faire appel à des aides familiales pour des petites interventions. En effet, certains bénéficiaires ont parfois besoin d’interventions ponctuelles, de 15 ou 30 minutes. Or, l’organisation actuelle ne prévoit pas de déplacement pour des durées aussi courtes.

Il est donc proposé de développer une offre d’équipe mobile, comme il existe déjà dans certaines régions, comme à Liège notamment. Il s’agirait d’une équipe ayant un point d’ancrage local, qui pourrait intervenir rapidement dans une zone définie, pour une prestation courte et ponctuelle.

 

Valorisation, renforcement et formation des aides familiales

Dans son avis n° 2 du 27 février 2024, le Conseil avait émis la recommandation suivante : « Une revendication primordiale à considérer est également celle de la formation des prestataires de services. La note de travail réalisée par l’UVCW au sujet de la formation et le recrutement pour les SAFA reprend en détail les problématiques de ce point.[1] Par exemple, les étudiants ont peu de connaissances de la réalité du terrain, les formations suivies ne sont pas toujours liées à des actes de la vie quotidienne, ce qui amène les SAFA à organiser des formations continuées lors de l’embauche, avant de rentrer en fonction. Or, les demandes sont plus spécifiques suivant le public bénéficiaire de ces services : une personne en situation de handicap n’a ainsi pas toujours les mêmes besoins qu’une personne âgée. La formation est donc essentielle dans cette approche. ».

Cette recommandation conserve tout son sens, et concerne également le projet « Vie en autonomie ». Accompagner une personne en situation de handicap nécessite une formation spécifique en adéquation avec le handicap concerné. Cette formation adéquate passe également par l’utilisation du bon vocabulaire : utiliser le terme « hébergement » au lieu de celui de « placement » ou encore remplacer l’expression de « prise en charge » par celle « d’accompagnement ». Ce sont des termes et des valeurs qui ont de l’importance, car les bénéficiaires ont besoin d’accompagnement, et ne représentent pas un poids ou une charge.

En plus de la formation, il est primordial de renforcer les équipes d’aides familiales. En effet, ce projet FSE ne prévoit pas de renforcement du cadre du personnel : il s’agit de mêmes aides familiales qui cumulent leurs tâches « ordinaires » en plus des activités qui entrent dans le cadre du projet. Or, ces aides familiales ont déjà des objectifs propres à réaliser, en-dehors de ce projet.

Il ne s’agit pas non plus de demander un renforcement des équipes sans prévoir une revalorisation du métier, en lien avec les revendications du Conseil lors de son avis précédent.

Le renforcement du cadre des SAFA et la revalorisation des aides familiales leur permettront également de répondre à toutes les demandes sans aucune liste d’attente.

 

Financement

Le projet « Vie en autonomie » est actuellement financé par le Fonds social européen. Ce financement est assuré pour les années 2024 et 2025.

Le financement européen pourrait être prolongé pour les années 2026 et 2027, mais pas au-delà. Il en résulte que faute d’une autre source de financement, le projet s’arrêterait fin 2027, au détriment de toutes les personnes, y compris des personnes en situation de handicap, qui en auront bénéficié.

Le Conseil demande par conséquent au Gouvernement wallon de dégager les moyens nécessaires afin d’assurer la pérennité du projet « Vie en autonomie » après la fin du financement européen.

Ce financement régional devrait également permettre la consolidation et l’extension du projet, conformément aux diverses recommandations émises dans le présent avis.

 

Cadastre des services

Un point largement débattu en séance à la suite de la présentation de ce projet est celui de la nécessité de mettre en place un inventaire des services disponibles pour les bénéficiaires. Les membres saluent cette initiative à l’unanimité, mais regrettent le manque de communication. L’absence de cadastre dessert l’aide qui peut être apportée aux bénéficiaires, car sans rationalisation des offres, un risque de doublons est possible.

De plus, le manque d’informations sur la multitude de services proposés entraine une méconnaissance du réseau et des droits de la part des bénéficiaires.

Un élément de réponse a cependant été apporté par le cabinet du Ministre Coppieters, qui assure que la question de l’harmonisation des services est en cours.

 

Conclusion

En conclusion, le Conseil approuve le projet « Vie en autonomie » développé par les SAFA. Il souhaite que ce projet soit étendu afin de pouvoir bénéficier à un maximum de personnes en situation de handicap.

Le Conseil insiste également pour qu’un financement régional se substitue à terme au financement par le Fonds social européen, afin d’assurer la pérennité du projet.

Plus globalement, le Conseil souhaite qu’une réflexion soit menée en vue d’aboutir à une réforme de l’organisation et du financement des SAFA dans le but d’améliorer la qualité des services pour les bénéficiaires, et notamment des liens entre ces personnes et leur aide familiale.

Il faut offrir à chaque personne en situation de handicap une liberté de choix de son lieu de résidence, de sa vie professionnelle, culturelle, relationnelle et citoyenne. Les SAFA constitue un élément parmi d’autres (par exemple, BAP, assurance autonomie, etc…) pour garantir cette liberté de choix.

 

 

[1] Rombeaux, J.-M., Note de travail : besoins en formation dans le secteur SAFA / problème de recrutements, mis en ligne le 7 juillet 2022, https://www.uvcw.be/no_index/files/9255-2022-07-07---formation-et-recrutement_problematiques-et-actions_safa_-2022.pdf