Avis 0045

Publié le 23 septembre 2025 à 14:52

Proposition de résolution visant à élargir l’accès aux toilettes publiques.

 

Mise en contexte générale

Le Conseil consultatif wallon des personnes en situation de handicap est consulté par le Cabinet COPPIETERS, concernant une proposition de résolution visant à élargir l’accès aux toilettes publiques.

La proposition de résolution part du constat qu’avoir la possibilité de se rendre à des sanitaires est un besoin primaire. Or ce besoin primaire peut être difficile à satisfaire en raison du manque de toilettes publiques accessibles. Cette situation peut aboutir à ce que certaines personnes restreignent leurs déplacements par crainte de ne pouvoir accéder à des sanitaires. Il s’agit là d’une atteinte indirecte à la liberté de circulation.

La proposition de résolution constate également que nombre de toilettes existantes présentent des risques en termes d’hygiène et de sécurité, ce qui amène nombre de personnes à ne pas vouloir les fréquenter.

La proposition de résolution recommande dès lors au Gouvernement :

  1. D’inciter les administrations publiques régionales et locales à favoriser l’accès à leurs toilettes ;
  2. De s’inspirer de l’expérience bruxelloise « toilettes accueillantes » et de l’initiative liégeoise « toilettes accueillantes » afin d’inciter les communes à nouer des partenariats avec des lieux privés accessibles au public dans le but de garantir l’accès gratuit à leurs toilettes ;
  3. De sensibiliser les communes à la nécessité d’inclure des toilettes accessibles aux personnes à mobilité réduite dans le cadre des partenariats avec des lieux privés accessibles au public garantissant l’accès gratuit à leurs toilettes ;
  4. De répertorier les lieux privés accessibles au public garantissant l’accès gratuit à leurs toilettes en vue de renforcer la visibilité et l’accessibilité de ces toilettes au plus grand nombre ;
  5. De promouvoir le développement de l’application « Peesy » en Wallonie ;
  6. D’envisager l’élaboration d’un guide de bonnes pratiques pour accompagner les communes qui souhaitent aménager des toilettes publiques et leur permettre de mettre en place des infrastructures pratiques, sécurisées, bien localisées, accessibles répondant aux besoins de chacun ;
  7. D’envisager la subsidiation des investissements d’aménagement ou d’équipement réalisés pour des toilettes publiques par les communes qui le souhaitent dans le cadre du plan communal d’investissements.

 

Avis

Philosophie générale de la résolution.

Le Conseil est heureux d’être consulté sur cette proposition de résolution. L’accès à des sanitaires est une préoccupation essentielle de tout un chacun, mais ce problème est primordial pour les personnes en situation de handicap.

Le Conseil tient à rappeler que l’accès à des sanitaires est non seulement un droit fondamental, mais aussi une nécessité inhérente à la nature humaine. Priver une personne de la possibilité d’aller aux toilettes peut même, en certaines circonstances, être considéré comme un traitement dégradant contraire à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales[1].

Le Conseil partage dès lors les préoccupations des auteurs de la proposition de résolution, ainsi que l’ensemble de leurs recommandations. Il souhaite pouvoir développer certaines de ces recommandations, afin d’éclairer sur les problèmes spécifiques rencontrés par les personnes en situation de handicap.

Dans le cadre de cet avis, le Conseil va formuler des points d’attention relatif à chaque résolution, et ensuite développer d’autres points essentiels à l’accessibilité des toilettes publiques.

 

Inciter les administrations publiques régionales et locales à favoriser l’accès à leurs toilettes

Le Conseil soutient cette proposition. Ainsi, la plupart des bâtiments publics sont équipés de toilettes accessibles PMR. Ces bâtiments peuvent abriter des administrations communales, provinciales, régionales, communautaires ou fédérales.

Il serait souhaitable que chaque bâtiment concerné ouvre ses toilettes au public. Cette ouverture permettrait d’accroître le nombre de toilettes publiques disponibles et accessibles PMR. Il convient toutefois de ne pas perdre de vue que cette solution n'est possible que pendant les heures d’ouverture des administrations concernées. Il faudrait voir au cas par cas s’il serait envisageable de permettre l’accès à ces sanitaires en dehors des heures d’ouverture des administrations, en soirée et le week-end.

 

S’inspirer de l’expérience bruxelloise « toilettes accueillantes » et de l’initiative liégeoise « toilettes accueillantes » afin d’inciter les communes à nouer des partenariats avec des lieux privés accessibles au public dans le but de garantir l’accès gratuit à leurs toilettes

La Ville de Liège a adopté le 2 septembre 2024 un règlement communale « toilettes accueillantes ». Ce système, également présent dans la ville de Bruxelles, se traduit par un partenariat public-privé qui vise à mettre gratuitement à disposition du public des toilettes privées. Concrètement, une dizaine de cafés participant au projet permettront un accès gratuit public à leurs toilettes pour des personnes qui ne consomment pas. En contrepartie, ces cafés recevront une somme de 5.000 € de la part de la Ville de Liège. Ce règlement communal est une première en Région wallonne.

Le Conseil accueille favorablement ce règlement communal et ce projet « toilettes accueillantes ». Il espère que l’ouverture au public de toilettes de cafés palliera l’absence de toilettes dans l’espace public proprement dit. Le Conseil tient toutefois à attirer l’attention sur le fait que les cafés invités à participer au projet doivent pouvoir disposer de toilettes accessibles aux PMR, avec vérification préalable sur place par un expert en accessibilité. Le Conseil souhaite également qu’il soit tenu compte de la fracture digitale : les cafés concernés ne doivent pas seulement être repris sur une application informatique, ils doivent aussi être clairement identifiés par un logo sur la façade de l’établissement.

Le Conseil espère aussi que l’expérience sera étendue à d’autres communes wallonnes. Il souhaite également que l’expérience soit étendue à d’autres activités économiques, comme les restaurants, les galeries commerciales, les grandes surfaces, les cinémas, les théâtres, les musées et autres lieux d’exposition, les installations sportives, les hôtels, etc…

Le Conseil constate toutefois que, s’agissant de lieux privés, l’accès aux toilettes n’est possible qu’aux heures d’ouverture de l’établissement. Il en résulte que la possibilité d’accéder à des toilettes en permanence ne peut être assuré par un partenariat public-privé. En d’autres termes, ce partenariat permet de multiplier le nombre de toilettes accessibles durant les heures de grande fréquentation, mais il ne peut dispenser les pouvoirs locaux de mettre en place des toilettes accessibles sur l’espace public lui-même.

Ainsi, le recours aux lieux privés ne doit pas se substituer à la responsabilité publique. Les partenariats doivent permettre un maillage plus dense, mais doivent être complétés par des toilettes publiques, bien réparties sur le territoire.

 

Sensibiliser les communes à la nécessité d’inclure des toilettes accessibles aux personnes à mobilité réduite dans le cadre des partenariats avec des lieux privés accessibles au public garantissant l’accès gratuit à leurs toilettes 

Les personnes à mobilité réduite sont confrontées trop régulièrement à une impossibilité de se rendre aux toilettes, même lorsque des sanitaires existent. En effet, nombre de sanitaires ne comprennent pas une toilette accessible aux personnes à mobilité réduite. Cette situation amène les personnes à mobilité réduite à se renseigner avant tout déplacement, voire à renoncer à un déplacement en l’absence de sanitaires accessibles.

Ce constat concerne aussi bien les toilettes situées dans l’espace public, que les toilettes situées dans des lieux privés accessibles au public. Ainsi, la plupart des cafés et restaurants ne disposent pas de toilettes accessibles aux personnes à mobilité réduite.

L’accessibilité ne peut être présumée. Il est essentiel que tout lieu répertorié comme proposant des toilettes accessibles respecte les critères techniques précis définis pour les personnes à mobilité réduite. Trop souvent, des toilettes dites "accessibles" ne le sont pas en pratique.

 

Le Conseil recommande :

  • Que les permis d’urbanisme pour des lieux accessibles au public soient refusés dès lors qu’aucune accessibilité PMR n’est assurée pour les sanitaires. Il estime également qu’une vérification devrait être systématiquement effectuée après réalisation des travaux
  • Une vérification systématique de l’accessibilité avant tout financement ou référencement.
  • La prise en compte des cheminements jusqu’aux toilettes afin de garantir l’accessibilité de la chaine du déplacement pour les personnes en situation de handicap.
  • Une sensibilisation des partenaires privés aux normes d’accessibilité.
  • L’intégration de photos et descriptions détaillées dans les répertoires pour permettre une évaluation préalable par les usagers
  • La prise en compte du besoin de salles de change pour les personnes en situation de grande dépendance. Celles-ci sont en effet trop peu souvent présentes dans l’espace public.

 

En ce qui concerne les lieux accessibles au public actuellement en exploitation, un délai devrait leur être accordé pour mettre en conformité les sanitaires par rapport aux normes d’accessibilité PMR. Le Conseil est conscient que des dérogations doivent néanmoins pouvoir être accordées le cas échéant lorsqu’il est démontré que la configuration des lieux ne permet pas une mise en conformité des sanitaires.

De plus, les lieux privés ont des horaires variables, des périodes de fermeture (congés, pauses, etc.), ce qui rend leur disponibilité incertaine. Il est donc crucial que :

  • Les horaires d’ouverture soient clairement indiqués.
  • L’application ou le répertoire soit mis à jour régulièrement.
  • Les usagers puissent signaler les problèmes ou changements.

 

Répertorier les lieux privés accessibles au public garantissant l’accès gratuit à leurs toilettes en vue de renforcer la visibilité et l’accessibilité de ces toilettes au plus grand nombre

Promouvoir le développement de l’application « Peesy » en Walllonie 

Il ne suffit pas de disposer de toilettes accessibles au public, il faut également assurer la promotion de ces toilettes. Une cartographie de l’ensemble des toilettes accessibles au public, dans l’espace public comme dans des espaces privatifs, gratuites comme payantes, est nécessaire. La cartographie doit concerner l’ensemble du territoire wallon, et ne pas se limiter à seulement quelques zones très fréquentées. Le Conseil propose d’ajouter à la résolution :

« Que la cartographie des toilettes accessibles serve également à identifier les zones sous-équipées et à planifier l’installation de toilettes publiques adaptées. ».

Il est en effet essentiel de réaliser d’abord un recensement de l’existant, pour prendre des décisions claires et adaptées en fonction des résultats.

Cette cartographie doit pouvoir être consultable en ligne, notamment sur une application disponible sur smartphone. Celle-ci doit reprendre la localisation exacte des toilettes, les heures d’ouverture, l’indication de la gratuité ou le tarif applicable, l’information vérifiée de l’accessibilité ou non aux personnes à mobilité réduite.

 

Le Conseil rappelle la fracture numérique, qui touche également les personnes en situation de handicap. L’application numérique est un outil indispensable, mais elle n’est pas suffisante. Il faut assurer in situ une signalétique permettant à chaque personne, où qu’elle se situe, de pouvoir se rendre aux toilettes publiques les plus proches.

Cette signalétique doit évidemment prendre en considération les personnes en situation de handicap, et donc indiquer également les toilettes accessibles PMR les plus proches ou encore la présence d’une salle de change. Les Conseils consultatifs locaux des personnes en situation de handicap pourraient être sollicités pour vérifier la fiabilité et la complétude de cette signalétique.

Ainsi, le Conseil soutient le développement d’outils numériques comme Peesy, à condition que :

  • L’application intègre des critères d’accessibilité clairs et vérifiés.
  • Elle soit accessible elle-même (ergonomie, lisibilité, compatibilité avec les aides techniques).
  • Elle soit complémentaire à une stratégie (publique) territoriale globale.
  • L’information soit disponible également via d’autres canaux non digitaux auprès des pouvoirs publics

 

Remarques particulières sur Peesy :

      - L’application ne semble plus en ligne ni disponible dans les stores Android et Apple

      - L’application n’a pas, par le passé, permis d’offrir une information fiable sur l’accessibilité des toilettes

 

Envisager l’élaboration d’un guide de bonnes pratiques pour accompagner les communes qui souhaitent aménager des toilettes publiques et leur permettre de mettre en place des infrastructures pratiques, sécurisées, bien localisées, accessibles répondant aux besoins de chacun

Le Conseil encourage l’élaboration d’un guide de bonnes pratiques, incluant :

      - Les normes d’accessibilité universelle.

      - Des exemples concrets d’aménagements réussis.

      - Des recommandations sur la localisation, la sécurité, l’entretien et la signalétique.

Le soutien financier est une mesure positive, à condition qu’il soit conditionné au respect des critères d’accessibilité des toilettes.

De plus, les auteurs de la proposition de résolution évoquent également les problématiques de la propreté et de la sécurité des sanitaires. Le Conseil partage leurs préoccupations, même s’il s’agit là d’une thématique qui n’est pas spécifique aux personnes en situation de handicap.

Le Conseil a tenu à rappeler dans cet avis la nécessité d’avoir accès rapidement à des sanitaires sur l’ensemble du territoire wallon. Il est tout aussi nécessaire d’assurer la propreté de ces sanitaires. Il s’agit là d’une question d’hygiène et de santé publique.

 

Envisager la subsidiation des investissements d’aménagement ou d’équipement réalisés pour des toilettes publiques par les communes qui le souhaitent dans le cadre du plan communal d’investissements

Le Conseil partage totalement la constatation des auteurs de la proposition de résolution sur le manque criant de toilettes publiques dans l’espace public.

Trop souvent, ces toilettes dans l’espace public se limitent à des urinoirs. Cela constitue bien évidemment une discrimination fondée sur le genre, puisque les urinoirs, par définition, ne sont susceptibles d’être utilisés que par des hommes. C’est également une discrimination fondée sur le handicap, puisque nombre d’hommes en situation de handicap ont besoin d’un WC. A titre d’exemples, on peut citer les hommes à mobilité réduite, ceux atteints de troubles de l’intestin, ceux qui ne peuvent se tenir debout. Le Conseil estime donc que les urinoirs existants doivent être complétés systématiquement par des WC, dont au moins un est accessible aux personnes à mobilité réduite.

De plus, la localisation des toilettes publiques doit être déterminée de manière telle que toute personne qui chemine dans l’espace public puisse avoir accès à des sanitaires publics à proximité immédiate de l’endroit où elle se trouve.

 

Autres remarques à prendre en considération

  • Gratuité des toilettes publiques

D’une manière générale, le Conseil est partisan d’une accessibilité universelle et gratuite des toilettes publiques. La gratuité résout ainsi un grand nombre de discriminations. En effet, des maladies invisibles comme celles des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) ou maladies urinaires (comme les patients greffés rénaux) nécessitent d’effectuer des passages fréquents à des toilettes.

Au-delà de ces maladies, il y a également d’autres cas de figure telles que des pathologies temporaires ou le cas des femmes enceintes.

Le Conseil a déjà souligné dans cet avis que l’accès à des sanitaires est non seulement un droit fondamental, mais aussi une nécessité inhérente à la nature humaine. Il découle de cette nécessité que l’accès à des sanitaires devrait toujours être gratuit. Il appartient aux pouvoirs publics, et aux autorités communales en premier lieu, de veiller à ce que chaque personne puisse avoir accès à des toilettes gratuites proches de l’endroit où elle se trouve.

 

  • Evénements

L’accès à des toilettes est particulièrement problématique lors d’événements générateurs de foules importantes (carnaval, festivals, marchés…)

Lors de ces événements, les toilettes publiques disponibles s’avèrent souvent largement insuffisantes pour pouvoir assurer à chacune et chacun un accès à des sanitaires. Pour les personnes en situation de handicap, cette absence de sanitaires rapidement accessible est plus que problématique.

Les pouvoirs locaux ou les organisateurs de ces événements installent souvent des toilettes mobiles, style Cathy cabines, pour pallier l’insuffisance de sanitaires permanents. Le Conseil constate que les personnes à mobilité réduite sont les grandes oubliées de ces toilettes mobiles. En effet, certains modèles sont prévus, mais sont trop peu accessibles.

Le Conseil demande que les pouvoirs locaux, en concertation avec les organisateurs de ces événements, mettent en place un plan de déploiement de toilettes mobiles en nombre suffisant, avec une attention particulière pour toutes les personnes en situation de handicap, y compris les personnes à mobilité réduite. Ces toilettes mobiles devraient être indiquées sur l’application numérique de l’événement, et par une signalétique adéquate in situ.

 

  • Diversité des besoins

Enfin, il est important de rappeler que les besoins varient :

      - Certaines personnes ont besoin de toilettes très proches, sans nécessairement avoir besoin d’aménagements spécifiques.

      - D’autres ont besoin de toilettes réellement adaptées, même si elles sont un peu plus éloignées.

Une stratégie inclusive doit donc répondre à cette diversité, en combinant densité, proximité et accessibilité.

 

Conclusions

Le Conseil insiste sur le fait que l’accès à des sanitaires est une nécessité inhérente à la nature humaine.

Il constate avec regret que cet accès est loin d’être partout garanti, notamment pour les personnes en situation de handicap. Il a émis dans cet avis diverses pistes pour améliorer la situation et espère qu’il y aura une volonté politique pour améliorer la situation.

Le conseil insiste aussi pour qu’une gratuité de l’accès aux toilettes soit assurée. Il espère que le Gouvernement prendra en considération ses propositions.

En conclusion, le Conseil soutient la proposition de résolution visant à élargir l’accès aux toilettes publiques. Il demande cependant que sa mise œuvre soit assortie d’une prise en considération des problèmes spécifiques rencontrés par les personnes en situation de handicap.

 

Le Conseil est également prêt à être associé à des discussions concernant la mise en œuvre des principes, et sur l’accessibilité des toilettes publiques en général.

 

[1] Cour européenne des droits de l’homme, affaire Price c. Royaume-Uni, du 10 juillet 2001