Proposition de loi visant à améliorer l’accessibilité de la logopédie
Proposition de loi visant à modifier les critères de remboursement pour l’accès à la logopédie
Proposition de loi visant à élargir les conditions de remboursement des prestations de logopédie
Proposition de loi modifiant la loi du 8 mai 2019 modifiant la prise en charge des prestations de logopédie et l’annexe de l’arrêté royal du 14 septembre 1984 établissant la nomenclature des prestations de santé en matière d’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, afin d’améliorer les prestations de logopédie pour les enfants présentant un trouble de l’intelligence
Mise en contexte
Le Conseil a été saisi de quatre propositions de loi, déposées à la Chambre des représentants. Il s’agit respectivement :
- de la proposition de loi visant à améliorer l’accessibilité de la logopédie, déposée par les Engagés ;
- de la proposition de loi visant à modifier les critères de remboursement pour l’accès à la logopédie, déposée par le PS ;
- de la proposition de loi visant à élargir les conditions de remboursement des prestations de logopédie, déposée par le MR ;
- de la proposition de loi modifiant la loi du 8 mai 2019 modifiant la prise en charge des prestations de logopédie et l’annexe de l’arrêté royal du 14 septembre 1984 établissant la nomenclature des prestations de santé en matière d’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, afin d’améliorer les prestations de logopédie pour les enfants présentant un trouble de l’intelligence, déposée par Ecolo-Groen.
Ces propositions de loi visent toutes à élargir le remboursement des prestations de logopédie en supprimant le critère d’un QI minimal pour bénéficier de ce remboursement.
Avis
Compétence du Conseil Consultatif Wallon des Personnes en Situation de Handicap
Le Conseil constate que la demande vise à obtenir son avis sur des propositions de loi fédérales, ce qui n’entre en principe pas dans sa compétence. Il appartient en principe au Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées de remettre un avis.
Toutefois, si les conditions de remboursement INAMI constituent bien une compétence fédérale, l’exercice de cette compétence a des incidences certaines sur la compétence wallonne relative à l’offre des prestations de logopédie. En d’autres termes, dès l’instant où le fédéral élargit les possibilités de remboursement des prestations de logopédie, cet élargissement entraîne une augmentation de la demande en prestations de logopédies, et donc nécessite une augmentation de l’offre de ces prestations.
Le Conseil insiste donc sur la nécessité d’une concertation entre l’Etat fédéral et la Région wallonne, afin que ces deux entités agissent de concert sur l’élargissement des conditions de remboursement de la logopédie et l’accroissement de l’offre de prestations de logopédie.
Le Conseil, dès lors, communiquera le présent avis au Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées, afin que celui-ci puisse joindre cet avis au sien propre. Le but est de remettre à la Chambre des représentants un avis commun qui reflète à la fois les préoccupations fédérales et les préoccupations régionales.
Dans le même temps, le Conseil communiquera le présent avis au cabinet du Ministre wallon de la santé, afin que le Gouvernement wallon soit sensibilisé à la nécessité d’une concertation avec le fédéral, et se donne les moyens d’un accroissement de l’offre des prestations logopédiques en Région wallonne.
La suppression du critère QI pour l’octroi de remboursements des prestations logopédiques
Actuellement, pour bénéficier d’un remboursement des prestations logopédiques, les enfants doivent passer un test de QI, afin de démontrer qu’ils ont un QI suffisant. Ce mécanisme écarte du remboursement INAMI les enfants en situation de déficience intellectuelle.
Le Conseil est informé du caractère très problématique de ces tests QI. Les instruments utilisés pour évaluer le niveau de QI remontent à l’après-guerre, et son totalement obsolètes par rapport aux connaissances scientifiques actuelles. En outre, les test QI utilisent la communication verbale, alors que la logopédie vise entre autres à résoudre des difficultés de communication verbale. Dès lors, les résultats de ces tests sont faussés ; ils mesurent davantage un déficit de communication verbale qu’une déficience intellectuelle. L’outil s’avère donc totalement inadéquat.
En outre, le Conseil n’a connaissance d’aucune étude scientifique sérieuse qui puisse justifier d’une nécessité d’un QI minimum pour une efficacité de prestations de logopédie. Au contraire, le Conseil constate que les prestations de logopédie sont très utiles, dès lors qu’elles sont dispensées dans un cadre ludique, pour tous les enfants, et plus particulièrement pour les enfants autistes ou en situation de « déficience intellectuelle ». Refuser à ces enfants le remboursement des prestations logopédiques, sous prétexte d’un QI insuffisant, revient à les priver d’un outil essentiel à leur développement et à leur plein épanouissement dans la société.
Lorsqu’on évoque la logopédie, on n’évoque pas seulement le langage verbal, on vise tous les modes de communication. La logopédie est donc un instrument essentiel pour assurer à chacun le plein exercice d’un droit fondamental, le droit à la communication. Le droit à la communication est d’ailleurs tellement fondamental que des études ont démontré qu’un déficit en communication entraîne une espérance de vie moindre.
Toute mesure qui viserait à restreindre pour certaines personnes l’exercice de ce droit à la communication doit être condamnée, car discriminatoire. Dans cette optique, toute mesure qui exclut arbitrairement certaines personnes du droit au remboursement des prestations logopédiques est discriminatoire.
Le Conseil approuve donc sans réserve la volonté des parlementaires fédéraux de supprimer la condition d’un QI minimum pour l’octroi du remboursement des prestations logopédiques.
La suppression d’autres critères pour l’octroi de remboursements des prestations logopédiques
Dans la même optique d’éliminer toutes discriminations dans l’octroi des remboursements des prestations de logopédie, le Conseil tient à souligner d’autres restrictions qui portent atteinte au droit à la communication.
Tout d’abord, le nombre de prestations de logopédies remboursées par an est limité. Ainsi, alors qu’il a besoin de deux séances de logopédie par semaine, un enfant autiste ne bénéficie du remboursement que de quelques séances par an. Il importe donc de supprimer toute limitation du nombre de prestations de logopédie remboursées, afin que chaque enfant puisse bénéficier du nombre adéquat de prestation en fonction de sa situation personnelle.
Par ailleurs, la présence de logopèdes dans l’enseignement spécialisé sert à justifier actuellement le refus d’un remboursement de prestations de logopédie. Le Conseil tient à souligner que la présence d’un logopède à l’école ne permet en aucun cas de considérer que des prestations de logopédie extra-scolaires ne sont pas nécessaires. Il ne faut pas perdre de vue que l’école n’est qu’un cadre de vie parmi d’autres, et que la logopédie à l’école est dispensée dans ce cadre, sans envisager les autres cadres de vie de l’enfant. En outre, force est de constater que les logopèdes scolaires sont trop souvent détournés de leur mission première par diverses tâches administratives. Le Conseil est d’avis que le remboursement des prestations de logopédie doit être accordé, indépendamment de la présence ou non de logopèdes dans l’école de l’enfant.
Enfin, le droit à la communication est un droit essentiel pour toute personne, sans aucune limite d’âge. Un adulte, comme un enfant, peut, en fonction de sa situation personnelle, avoir besoin de prestations de logopédie pour l’aider à exercer son droit fondamental à la communication. Cette aide est même essentielle pour éviter que des personnes adultes ne sombrent dans l’exclusion sociale, par le seul fait qu’elles ne peuvent pas ou plus exercer pleinement leur droit à la communication.
Le Conseil plaide donc, au-delà de la suppression du critère d’un QI minimum, pour une révision fondamentale des remboursements des prestations de logopédie, afin d’ouvrir systématiquement ce remboursement à toute personne qui, à un moment ou à un autre de sa vie, a besoin de prestations de logopédie.
Le développement de l’offre logopédique
Elargir le champ d’application du remboursement des prestations logopédiques entraîne une augmentation de la demande de prestations de logopédie.
Il importe donc que les autorités régionales et communautaires agissent de manière ambitieuse pour assurer une offre de prestations de logopédie en adéquation avec la demande.
Le Conseil demande donc l’élaboration d’un plan d’action commun à la Région wallonne et à la fédération Wallonie-Bruxelles, en vue d’assurer d’une part la formation accrue de nouveaux logopèdes, d’autre part un développement et un déploiement adéquat de l’offre de logopédie sur l’ensemble du territoire wallon.
La modification relative aux tests de langage
Dans la proposition de loi portée par le MR figure une autre modification, relative aux tests de langage. Cette modification ne figure pas dans les autres propositions.
En ce qui concerne les tests de langage, la proposition libérale consiste à supprimer la compétence de la Commission de conventions logopèdes-organismes assureurs, pour fixer définitivement le critère au 3e percentile.
Le Conseil n’est pas favorable à cette mesure. L’intervention de la Commission de conventions logopèdes-organismes assureurs a pour objectif de faciliter une évolution des critères de valeur des tests de langage par rapport aux dernières connaissances scientifiques. Fixer le critère risque d’entraîner une inadéquation entre ce critère fixe et les nouvelles découvertes scientifiques.
Remarques légistiques
Le Conseil souhaite émettre deux petites remarques purement légistiques.
Tout d’abord, les propositions modifient la première phrase du point b), 2°, afin de supprimer la condition de QI minimum. Il convient également de supprimer dans la deuxième phrase du même point la référence aux tests de QI.
Ensuite, l’abrogation de la loi du 8 mai 2019 devrait être accompagnée de l’abrogation de l’arrêté royal du 17 juillet 2024, pris en exécution de cette loi.
Conclusion
Le Conseil approuve la suppression du critère d’un QI minimal pour l’octroi du remboursement des prestations de logopédie.
Il s’agit pour le Conseil d’un premier pas essentiel, mais qui doit être suivi d’autres pas, afin de supprimer toutes discriminations dans le remboursement des prestations de logopédies, notamment celles fondées sur l’âge ou sur une limitation du nombre de prestations remboursées.
Enfin, le Conseil insiste sur la nécessité d’un plan ambitieux de développement de l’offre de logopédie, afin que cette offre puisse être en adéquation avec l’augmentation de la demande.